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Coup d'État au Gabon : ce qu'il faut savoir

Coup d'État au Gabon : ce qu'il faut savoir

Les militaires, lors de l'annonce du coup d'Etat sur la chaîne de télévision Gabon 24 / Crédit : Euronews

Les militaires, lors de l'annonce du coup d'Etat sur la chaîne de télévision Gabon 24 / Crédit : Euronews

Dans la nuit du 29 au 30 août, des militaires ont pris le pouvoir au Gabon. Les résultats de l’élection présidentielle venaient de tomber. Le président déchu, Ali Bongo, est en “résidence surveillée”.

 

Fin de règne pour la famille Bongo ? Dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 août, des militaires ont pris le pouvoir au Gabon, peu de temps après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. La victoire était revenue au président sortant, Ali Bongo Ondimba, 64 ans, au pouvoir depuis 14 ans, avec 64,27% des suffrages.

 

Son principal rival, Albert Ondo Ossa, ancien ministre de l’Éducation nationale de 2006 à 2009, a quant à lui récolté 30,77% des voix. Il avait été désigné candidat par une grande partie de l'opposition, regroupée derrière la “plateforme Alliance 2023”. Le putsch semble avoir été mené par des membres de la Garde Républicaine du Gabon. Depuis avril 2020, le chef de cette organisation est le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Dans la foulée du coup d'État, le nouvel homme fort du Gabon a été nommé “président de la transition”.

 

Des élections en huis clos

 

Il est près de 3h30 du matin lorsque le Centre gabonais des élections égrène les résultats du scrutin. Quelques instants plus tard, une douzaine d'hommes en treillis se présentent sur le média télévisuel Gabon 24 et annoncent mettre “fin au régime en place”, ainsi que la “suspension de toutes les institutions de la République”. Le tout au nom du « Comité pour la transition et la restauration des institutions » (CTRI). Depuis, Ali Bongo est en “résidence surveillée” et son fils arrêté pour “haute trahison”. Les frontières ont été fermées.

 

Aux yeux des putschistes, les résultats de cette élection étaient “tronqués”. Une chose est sûre, elles se sont déroulées en huis clos. Aucun observateur international ne pouvait se rendre sur place et les médias RFI, France 24 et TV5 Monde, très suivis localement, avaient été suspendus, samedi 26 août, jour de l’élection présidentielle. Internet avait aussi été coupé et un couvre-feu instauré. Les militaires ont annoncé le rétablissement des médias francophones mercredi 30 août.

 

Le mandat du chef de l'État n’était pas le seul concerné par ce scrutin du 26 août dernier. Les élections législatives et locales étaient organisées en même temps. Il y a peu, le gouvernement gabonais avait adopté le bulletin unique : une seule et même voix pour ces trois scrutins, pourtant bien différents.

 

Après son arrestation,  Ali Bongo a demandé de l’aide “à ses amis dans le monde entier”, sur une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. La France en fait partie. En mars dernier, le président de l’hexagone s’était rendu à Libreville, la capitale gabonaise, afin d’assister au One Forest Summit, consacré à la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo. Certains acteurs de la société civile gabonaise avait accusé Emmanuel Macron de "favoriser [le] maintien au pouvoir" d'Ali Bongo. 

 

En 2016, des résultats déjà contestés

 

Ce n’est pas la première fois que les résultats des élections au Gabon sont contestés. En 2016, un scrutin très serré avait cristallisé l’attention du peuple gabonais. Au terme de quatre jours d’attente, Ali Bongo était nommé vainqueur par la commission électorale, avec 49,80 % des voix. Son opposant, Jean Ping, président de l’Assemblée Générale des Nations Unies de 2004 à 2005 et de l’Union Africaine de 2008 à 2012, avait récolté 48,23 % des suffrages.

 

Seules 5 500 voix séparaient alors les deux prétendants à la fonction suprême, entraînant une importante vague de contestation populaire. Bilan : trente morts, selon les oppositions (le gouvernement en reconnaît cinq), et près d’un millier d’arrestations. Ali Bongo a gardé ses fonctions, et ce, depuis 14 ans

 

Les Bongo, au pouvoir depuis 55 ans

 

La famille Bongo est au pouvoir depuis plus de 55 ans. C’est en 2009, à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba (1935-2009), que le président, aujourd'hui déchu, devient chef de l’État. En 2018, Ali Bongo est victime d’un AVC, plongeant ainsi le pays dans une crise politique d’ampleur. Conséquence, un coup d’État manqué survient dès l’année suivante.

 

Une situation politique complexe, d’autant qu'en 2020, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Et ce, alors même que le Gabon figure parmi les pays les plus riches d’Afrique. Son économie repose en grande partie sur le bois, le manganèse et l’or noir (38,5% de son PIB en 2020).

 

Après le Mali, le Burkina Faso et plus récemment le Niger, le Gabon figure désormais parmi les pays d’Afrique où le pouvoir est tombé aux mains des militaires. Un putsch que l’Union Africaine condamne “fermement” et que la France suit “avec la plus grande attention”. De son côté, la Russie a fait part de sa profonde préoccupation, tout comme le Commonwealth, organisation que le Gabon a rejoint l’an passé. Pour rappel, dès 1839, un accord est passé entre l’amiral français Édouard Bouët-Willaumez et Antchuwè Kowè Rapontchambo, alias « roi Denis », prévoyant la création d'un premier poste de commerce au Gabon. Le pays ne retrouvera son indépendance qu'en 1960.

Jean Rémond